Prêter ses salariés pour ne pas licencier

Benat Elchaurhandieta, salarié "pêté" depuis juin dernier au groupe Epta France ©Radio France - Hélène Fily
Benat Elchaurhandieta, salarié "pêté" depuis juin dernier au groupe Epta France ©Radio France - Hélène Fily
Benat Elchaurhandieta, salarié "pêté" depuis juin dernier au groupe Epta France ©Radio France - Hélène Fily
Publicité

C’est l’un des dispositifs brandis par le gouvernement pour faire face à la crise. Une entreprise en difficultés peut recourir l’activité partielle mais aussi prêter ses salariés à une autre société. Une possibilité encore méconnue qui est pourtant plébiscitée par ceux qui l’ont testée.

De son bureau, Gérard Henry a vu sur les montagnes espagnoles. Il dirige Sudec Industries, une entreprise de fabrication de pièces industrielles pour l’aéronautique et le secteur de l’énergie notamment, basée à Hendaye, dans le Pays basque, tout près de la frontière espagnole. Comme de nombreux chefs d’entreprises de l’industrie, il quitte l’année 2020 sur les genoux. « On a perdu 35% d’activité au global, 50% sur les derniers mois de l’année, voire 60% sur certains mois. »  Mais Gérard Henry n’est pas homme à se laisser abattre et il mise sur un dispositif méconnu pour faire face à la crise : le prêt de main-d’œuvre.
Le principe ? Une entreprise confrontée à une forte chute d’activité prête un ou plusieurs salariés à une société qui, elle, est en forte activité mais réticente à embaucher vu le contexte. Les salariés, forcément volontaires, gardent leur contrat de travail. Leur entreprise d’origine continue de les payer à 100% mais se fait rembourser par l’entreprise qui accueille_.  « C’est très souple_, se félicite Gérard Henry_. Si j’ai moins de travail je les prête. Et je les récupère quand le travail revient. Cela nous permet de maintenir la compétence à disposition. Sans ce prêt, j’aurais sans doute dû licencier. »_

Des entreprises voisines, qui se connaissent 

Mais il y a plusieurs conditions pour que cela marche. Il faut d’abord que les entreprises soient voisines. Difficile de demander à un salarié de faire 40 kilomètres supplémentaires pour aller travailler. Pour les quatre employés de Gérard Henry qui ont été prêtés, la situation est idéale. L’entreprise qui les accueille, Epta France, n’est qu’à quelques centaines de mètres, dans la même zone industrielle. « On se connait depuis longtemps, explique Jean-Marc Abbadie, le DRH d'Epta France_. Cela facilite les choses. Nous avons été accompagnés par l’UIMM pour rédiger les conventions de prêt. C’est très simple. »_ Les premiers salariés prêtés sont arrivés en juin, et huit mois plus tard, ils sont toujours là. 

Publicité

Une nouvelle corde à son arc 

Les premiers pas n’ont pas été forcément simples pour Benat Elchaurhandieta. Il a fallu se former à de nouvelles machines-outils, comprendre le fonctionnement, les codes de l’entreprise. « Mais j’ai été bien accueilli, et au final, je ne reste pas chez moi à ne rien faire, j’apprends un autre métier, je rajoute une ligne à mon CV. » Mewen Tauvy, lui aussi a été prêté. Et lui aussi n’y voit que des avantages. « Si j’étais resté à la Sudec, j’aurais été mis en activité partielle un ou deux jours par semaine. J’aurais gagné moins. Avec le prêt, je suis payé à 100% et je peux même faire des heures supplémentaires. » Pour le groupe Epta, qui fabrique des meubles réfrigérés pour la grande distribution, le système a un avantage majeur «  on accueille des gens qui travaillent déjà dans la métallurgie. On a un socle commun de compétences. Nous les avons formés aux spécificités de notre activité mais ils s’y sont fait très vite. » C’est une autre condition pour que ça marche, ne pas être concurrent mais travailler dans la même branche. Et puis il y a  une part de confiance_. «_ Certaines entreprises craignent qu’on débauche leurs salariés, relève David Derré Directeur formation et emploi à l’UIMM. L’été dernier, la branche métallurgie a ouvert sa plateforme d’emploi au prêt de main-d’œuvre. « A ce jour, 37 entreprises ont déposé une offre de prêt pour 230 salariés et 54 entreprises ont déposé 180 offres d’emprunt. A l’échelle d’une branche qui fait un million et demi de salariés pour 40 000 entreprises, cela reste confidentiel, reconnait-il. Et pourtant, c’est un dispositif qui mérite d’être connu et utilisé. Car tout le monde y gagne. »

L'équipe

pixel