Électricité nucléaire : qu’est-ce qui entraîne – ou pas – son développement dans le monde ? [Dossier – 6/6]

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Quelles sont les politiques en matière de nucléaire civil à travers le monde ? L’objectif de la cartographie politique de l’électricité nucléaire dans le monde proposée par les Shifters était de réaliser une série d’articles faisant un état des lieux de la situation et des perspectives de la production d’électricité nucléaire, notamment via le prisme de la position des partis politiques et de celle de l’opinion publique des pays. Ce panorama synthétisé ici a mis en lumière ce qui entraîne – ou pas – le développement de l’énergie nucléaire.


Dans cette cartographie, ni The Shift Project ni The Shifters ne prennent position « pour » ou « contre » l’énergie nucléaire, et chacun y trouvera un peu ce qu’il voudra y voir. En revanche, The Shift Project a, pour la première fois depuis sa création en 2010, publié le 7 février 2022 un document écrit se prononçant en faveur d’un mix énergétique (et d’un mix électrique) particulier pour la France : l’« Évaluation énergie-climat du PTEF – Plan de transformation de l’économie française ». Ce document dont nous vous recommandons la lecture est encore intermédiaire et les remarques sont bienvenues.


Voir à 18:35 pour la présentation de la cartographie politique mondiale du nucléaire civil – table ronde au Forum économique de la Sorbone, avec :

  • Katheline Schubert, professeure d’économie à l’École d’économie de Paris et membre du Haut Conseil pour le Climat
  • Philippe Quirion, économiste, directeur de recherche au CNRS, chercheur au CIRED et membre de la Compagnie des négaWatts
  • Sylvaine Dhion, ingénieure dans le nucléaire et membre de l’association The Shifters
  • Alexandre Perra, Directeur exécutif Innovation et Stratégie du Groupe EDF

N’hésitez pas à nous faire part de vos commentaires et critiques, ou à solliciter une présentation en conférence) : carto-pol-nucleaire-shifters@theshiftproject.org


Dans les pays développés, les soubresauts de l’opinion influent sur la politique nucléaire

Des fermetures récentes en Europe de l’Ouest

La France a fermé en février et en juin 2020 les deux tranches de la centrale de Fessenheim. Cette fermeture s’inscrit dans le cadre de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie, qui prévoit la réduction de la part du nucléaire dans le mix électrique à 50% d’ici 2035.

Neuf autres pays en Europe ont choisi de réduire ou de stopper le recours au nucléaire. Les interrogations du public sur la sûreté des installations et la gestion des déchets ont conduit les gouvernements à tourner le dos à l’atome.

L’Allemagne mène l’emblématique politique de l’Energiewende (transition vers les énergies renouvelables) dans le cadre de laquelle les trois réacteurs encore en exploitation (trois ont été définitivement arrêtés fin 2021) seront fermés d’ici décembre 2022.

Les Suisses ont eux aussi décidé de fermer leurs réacteurs lors du référendum de 2017. En Autriche et en Italie, des moratoires sur le nucléaire sont en place depuis les années 80.

Définitivement rien en Océanie

Ailleurs dans le monde, d’autres pays mènent la même politique. L’Australie, pourtant troisième productrice mondiale d’uranium, est résolument opposée au nucléaire.

Elle et la Nouvelle-Zélande ont mis en place la loi anti-nucléaire « South Pacific Nuclear Free Zone Treaty Act » et ont interdit le nucléaire en 1987, y compris pour des usages civils, sur la base notamment de leur fort engagement pour la non-prolifération des armes atomiques.

Corée, Taïwan, Japon et Suède : relances après une pause ?

Pourtant, plusieurs de ces pays remettent maintenant en question leur volonté d’arrêter le nucléaire. En Corée et à Taïwan[i], les opinions publiques, après avoir pesé contre, ont finalement amené les gouvernements à reporter l’arrêt prévu des centrales.

Au Japon, après la catastrophe de Fukushima, le gouvernement a évoqué l’hypothèse « zéro nucléaire » mais le pays est alors devenu très dépendant, se voyant contraint d’importer 90% de ses ressources énergétiques.

Alors, le ministère de l’Industrie a annoncé en 2018 que les centrales nucléaires devraient produire au moins 20% de l’électricité du pays et un récent sondage de 2022 montre que la population est majoritairement favorable au nucléaire.

En Suède, l’arrêt du nucléaire avait été décidé en 1980. Cependant, le pays est revenu sur cette décision en 2005, déclarant que le changement climatique devait être traité en priorité par rapport à la fermeture des centrales nucléaires.

Volontarisme aux Pays-Bas et États-Unis

De même, après des années de tergiversations, un accord gouvernemental a été émis fin 2021 aux Pays-Bas, prévoyant la construction de deux réacteurs nucléaires pour lutter contre le dérèglement climatique.

Même chose aux Etats-Unis, où le président Joe Biden compte s’appuyer sur le nucléaire pour respecter l’accord de Paris sur le climat : il s’est donné l’objectif de décarboner le secteur électrique à partir de 2035 et de décarboner totalement l’économie Américaine à l’horizon 2050.

La France, le Royaume-Uni et la Finlande relancent des constructions

En France, Emmanuel Macron a finalement annoncé à Belfort le 10 février 2022 son souhait de lancer la construction de six réacteurs EPR, et de faire émerger une filière de réacteurs SMR. Une concertation sur le système énergétique français et la place du nucléaire dans celui-ci devrait par ailleurs être organisée par la Commission nationale du débat public au deuxième semestre 2022[ii].

Dans plusieurs pays, la désaffection de l’opinion a donc entraîné des fermetures anticipées ou un décalage du renouvellement du parc de centrales existant. Dans d’autres, elle est redevenue pro-nucléaire sans encore entraîner une politique de construction de nouveaux réacteurs.

Enfin, au Royaume-Uni, l’opinion publique est restée favorable au nucléaire malgré l’accident de Fukushima[iii].

Il en est de même en Finlande, où le gouvernement a annoncé en juin 2019, vouloir sortir du charbon et atteindre la neutralité carbone en 2035, en misant sur l’énergie nucléaire. L’opinion publique finlandaise est parmi les plus pro-nucléaire en Europe, avec 62% d’opinion favorable.

Ces deux pays construisent aujourd’hui de nouveaux réacteurs. En particulier, l’EPR d’Olkiluoto vient de démarrer : les premières réactions nucléaires ont eu lieu le 21 décembre 2021 et la pleine puissance est attendue à l’été 2022.

La forte volonté politique de la Chine et de la Russie entraîne de nombreuses constructions dans le monde

À l’Est, la Russie et la Chine construisent à tout va. La Russie a été la première au monde à produire de l’électricité nucléaire, alors que l’atome chinois est nettement plus récent, 70% des réacteurs ayant été construits dans la dernière décennie.

Russie : une stratégie d’augmentation de la production nationale et des exportations

Développé dès les années 50 en Russie, le nucléaire a connu son essor à la suite du premier choc pétrolier de 1973, a marqué le pas après la chute de l’empire soviétique à la fin des années 1980 et est reparti progressivement à la hausse vers la fin des années 1990. Le pays exploite actuellement 38 réacteurs sur son sol (30GW) et 41 réacteurs russes sont en service dans le monde, ce qui fait de la Russie le 4e producteur mondial d’électricité nucléaire et le plus gros exportateur de réacteurs.

La stratégie du pays est d’augmenter significativement la part du nucléaire dans le mix domestique pour atteindre 80% en 2100[iv]. Le pays mise aussi, conformément à son « Federal Target Program » (FTP) de 2010, sur l’exportation de son savoir-faire à l’international.

Le constructeur russe Rosatom a les capacités de proposer une offre intégrée, comprenant non seulement la construction de la centrale mais également la mise en place de toute la filière nucléaire, de la production d’uranium à l’exploitation des réacteurs, ainsi que des services de formation et d’aide au développement de structures de régulations (autorités de sûreté) et enfin, des solutions de financement, ce qui représente un très net avantage par rapport à ses concurrents. Cette stratégie est portée continûment par une forte volonté politique, et aucune contestation structurée n’émane ni de la classe politique ni de l’opinion publique.

Avant le conflit en Ukraine, plus de 20 réacteurs russes étaient en construction dans le monde, en Asie, en Afrique et des projets étaient en discussion en Amérique du Sud. Néanmoins, ces événements auront indéniablement un impact sur ce développement. L’électricien finlandais Fennovoima a ouvert le bal en annonçant, le 2 mai 2022, l’arrêt du projet de centrale russe sur le site d’Hanhikivi, dans l’ouest du pays. Qu’en sera-t-il des autres chantiers en cours en Europe (Hongrie, Slovaquie) et ailleurs dans le monde (Turquie, Egypte) ?

Chine : augmentation rapide du parc national, stratégie à l’export également

En Chine, depuis la mise en service des deux premiers réacteurs chinois en 1993, le pays a construit des centrales à une vitesse fulgurante. Il exploite aujourd’hui 47 réacteurs et est passé devant la Russie en tant que 3e producteur mondial d’électricité nucléaire.

A terme, selon le plan « Energy Development Strategy Action Plan 2014-2020[v] », la Chine souhaite construire un parc domestique d’une capacité installée de 200GW à l’horizon 2030, soit la moitié du parc mondial actuel.

De même qu’en Russie la classe politique chinoise a une position très clairement pro-nucléaire. Elle vient d’entériner la construction de 6 nouveaux réacteurs, lors d’un bureau politique le 21 avril dernier.

La Chine mène par ailleurs une politique très offensive à l’export. Comme la Russie, elle propose à ses clients étrangers des packages incluant le financement. Les deux premiers réacteurs chinois étaient de conception française, mais la Chine exporte désormais ses propres réacteurs « Hualong One », dont deux exemplaires sont en construction au Pakistan. Deux autres sont en projet en Argentine et au Royaume-Uni. Sur les « nouvelles routes de la soie », des projets nucléaires sont en discussion dans plus d’une dizaine de pays[vi].

Dans les pays émergents, la soif de PIB tire la croissance d’un nucléaire importé

Dans les pays émergents, la très forte croissance économique entraîne une augmentation rapide de la demande en électricité et, dans le contexte du dérèglement climatique, les gouvernements se préoccupent de la décarbonation de leur production d’électricité. C’est ainsi qu’une trentaine de réacteurs sont en construction et au moins autant de projets sont en cours dans une trentaine d’États émergents.

Asie du Sud-Est et au Moyen-Orient

En Asie du Sud-Est et au Moyen-Orient, le nucléaire est peu développé, à l’exception de l’Inde et du Pakistan. Ces deux pays possèdent des réacteurs en service et poursuivent les constructions.

Cette région voit néanmoins l’arrivée de trois nouveaux entrants : le Bangladesh, la Turquie et les Emirats Arabes Unis, qui construisent leurs premiers réacteurs, de conception russe pour les deux premiers et sud-coréenne, pour les EAU.

En Inde, les projets rencontrent l’opposition d’une partie de la population, mais cette résistance n’est pas de nature à influer sur la stratégie gouvernementale. D’autres pays du Sud-est asiatique ont des projets nucléaires, à un stade plus moins avancé : au Sri Lanka, en Indonésie, aux Philippines, en Thaïlande, au Vietnam et au Laos, des accords ont été signés avec des constructeurs étrangers dans le but de poser des jalons pour des constructions futures. Il en est de même au Moyen-Orient où l’Arabie Saoudite, le Koweït et la Jordanie ont des projets de développement du nucléaire, sans encore avoir entamé la phase de construction.

Une dizaine de pays d’Afrique souhaitent rejoindre l’Afrique du Sud au rang des pays nucléarisés

Enfin, le continent africain prévoit lui aussi une augmentation considérable de la demande en électricité. La République d’Afrique du Sud (RSA) est le seul pays africain ayant des réacteurs en service (2).

Mais une dizaine de pays souhaitent démarrer un programme d’électricité nucléaire (le Nigeria, l’Égypte, le Ghana, le Niger, l’Ouganda, l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, le Soudan, l’Éthiopie, le Rwanda, la Namibie et le Kenya).

Le pays le plus avancé dans le lancement d’un nouveau programme est l’Égypte, où l’Egyptian Nuclear Regulation and Radiological Authority (ENRRA) a accordé un permis de construire au site d’El Daaba[vii] pour 4 réacteurs russes dont la construction était prévue en 2022, avant la guerre en Ukraine.

En misant sur des partenariats avec des entreprises étrangères

Ces pays n’ayant pas de tradition nucléaire historique, ils sollicitent tous des partenariats avec des entreprises étrangères, qui disposent des ressources matérielles et des connaissances techniques nécessaires.

Les offres intégrées incluant la construction des centrales, ainsi que le financement et la formation des personnels, sont précieuses pour ces états où l’infrastructure nucléaire est à construire complètement.

Dans le monde, de nombreux accords de coopération sont en discussion avec CGN et CNNC (Chine), Rosatom (Russie), Kepco (Corée) et EDF (France).

Les SMR : réponse à leurs difficultés ?

L’accès à des ressources importantes en eau, pour le refroidissement des réacteurs et la faible taille des réseaux de transport électrique est également un défi important en Afrique et pour plusieurs pays en développement, qui pourraient s’orienter vers la construction de réacteurs de faible puissance, les SMR (Small Modular Reactor).

Plusieurs modèles sont actuellement en développement dans le monde : 21 aux USA, 17 en Russie, dont 1 d’ores et déjà en service, 8 en Chine, 1 en France et 1 en Argentine. Ces réacteurs devraient être moins contraignants à installer et pourraient être implantés dans des zones plus reculées.

Ces SMR devraient avoir, par ailleurs, des durées de construction plus courtes et demander des investissements moins importants que les réacteurs « traditionnels ». Enfin, la sûreté de ces réacteurs est assurée, par conception, davantage en mode passif, ce qui autorise des compétences locales moins pointues, donc plus facilement disponibles.

Les SMR pourraient donc constituer une voie de développement pour le nucléaire en Afrique, en Asie du Sud-est, au Moyen-Orient et en Amérique latine.

L’industrie nucléaire européenne perd sa place dans le monde faute de volonté politique

La fin des années fastes… ou le début de la relance ?

La France et l’Europe ont connu une époque faste d’une trentaine d’années avec la construction du parc nucléaire en Europe et dans le monde (Pays-Bas : 1973, Argentine : 74, Suisse : 79, Brésil : 1982, Belgique : 82/83, Afrique du Sud 84/85, Corée 88/89 et Chine : 1993 à 2003).

Aujourd’hui, les constructeurs européens sont dans une position difficile : le marché de la construction de la centrale de Barakah aux Émirats Arabes Unis, a été perdu au profit du Coréen KEPCO, les atermoiements du projet d’EPR à Jaitapur en Inde durent depuis une dizaine d’années et le projet « ATMEA », ce nouveau réacteur qui devait compléter le portefeuille de produits proposés à de potentiels clients à l’export, a été arrêté.

L’industrie européenne du nucléaire connaît aujourd’hui de grandes difficultés à garder une place significative dans le monde faute de répondre à trois questions : le financement des projets, les difficultés d’application des normes et l’adéquation au besoin client dans le contexte international.

La question du financement

Les très longs chantiers nucléaires sont gourmands en capitaux et ne permettent qu’un retour sur investissement tardif. Il est donc très difficile de les financer sur le marché de l’investissement privé. Or, même si en France la COFACE offre certaines garanties, l’État ne propose pas d’investissement direct pour ces projets. A fortiori, aucun crédit n’est non plus alloué par l’Union Européenne.

Dans le cas du financement des projets des deux réacteurs britanniques d’Hinkley Point C, EDF a financé 50% des 23 milliards d’euros du chantier sur fonds propres, en échange d’un prix de vente de l’électricité garanti par Bruxelles sur 35 ans. Cet accord avait d’abord été dénoncé par l’Autriche, finalement déboutée par la commission européenne, Bruxelles autorisant implicitement le Royaume-Uni à financer la construction. Cependant, EDF ne pourra pas financer par la dette tous les projets du monde[viii]. L’investissement dans des projets nucléaires reste donc un challenge pour la France et l’Europe, alors que la filière russe, elle, dispose de capacités de prise en charge à des taux imbattables, sous forme de prêts d’État.

La question des normes

La France a développé une filière domestique, sur la base du modèle américain, mais dont elle s’est depuis largement émancipée. Le modèle français comprend le design des réacteurs mais aussi tout un jeu de codes et normes françaises. Or, la France rencontre parfois des difficultés à appliquer ces normes sur son propre sol.

A la suite des déboires du chantier de Flamanville, le rapport Folz, commandé à l’été 2019 par le Ministère de l’économie, soulignait par exemple que : « L’arrêté [ESPN] de décembre 2005 a en effet introduit de nouvelles exigences (…) et a longtemps donné lieu à des divergences d’interprétation [ce qui] a pesé fortement sur le déroulement du projet »[ix]. La France a donc intérêt à promouvoir la coopération entre l’Autorité de sûreté et les constructeurs, afin qu’ils développent conjointement des solutions industrielles robustes.

La question de l’international

La France comptait, avant la fermeture des deux tranches de Fessenheim à l’été 2020, 58 réacteurs en service, ce qui fait de la filière française l’une des plus prolifiques au monde. Un de ses avantages majeurs est d’intégrer l’opérateur dès la conception, pour prendre en compte son retour d’expérience en exploitation et adapter le design à ses spécifications techniques. La construction nucléaire en France a bénéficié à plein de cet effet lors de l’installation du parc dans les années 1970 à 2000.

En revanche, cette imbrication est devenue telle que les industriels peuvent parfois rencontrer des difficultés à s’en affranchir lorsqu’il s’agit de travailler avec un autre client, et une autre autorité de sûreté, qui ont des demandes parfois différentes de la pratique française.

Renouveau du nucléaire dans le monde : changement climatique et opinions publiques ?

A l’international, la filière a tendance reproduire systématiquement cette pratique[x] ; au contraire, elle gagnerait à s’adapter davantage aux besoins de ses clients, afin de développer un produit attrayant pour le XXIe siècle. Par exemple un SMR, de plus faible puissance, dont on anticipe la demande croissante dans les pays émergents.

Nouveaux objectifs et volonté politique

Ces réacteurs joueront plus que probablement un rôle pour satisfaire la demande d’énergie en très forte augmentation dans ces pays, qui cherchent à importer des moyens de soutenir leur croissance, tout en limitant leurs émissions de CO2.

Financement, normes et orientation client sont mus et coordonnés par la volonté politique. En France, faute de parvenir à élaborer une stratégie claire, le politique ne donne pas l’impulsion qui serait nécessaire au développement de l’énergie nucléaire, localement et à l’export.

Opinions et débat public

Le panorama du nucléaire dans le monde mené par les Shifters a montré que les pays qui développent cette technologie sont ceux où l’opinion publique est alignée avec le politique en faveur de l’atome, comme au Royaume Uni ou en Finlande, ou lorsque l’opinion n’a que peu d’influence, comme en Russie ou en Chine.

En France, l’opinion publique pèse fortement sur la volonté politique en matière de nucléaire ; elle semble donc être un paramètre clé de l’équation –  et la volonté politique influe en retour sur l’opinion publique.

Dans ce contexte, les Shifters ont souhaité apporter la connaissance du contexte international afin d’éclairer la question.

Le débat public organisé au deuxième semestre 2022 est une chance à saisir tant par l’opinion que par les politiques, pour s’aligner sur une stratégie de long terme pour la politique nucléaire en France.

 

Mises à jour

Cinq articles ont été publiés, pour les zones géographiques suivantes : Europe ; Asie et ex-URSS ; Afrique et Océanie ; Amériques ; Moyen-Orient, Inde et Asie du Sud-est. Les liens vers ces articles sont donnés ci-dessous, ainsi qu’une mise à jour depuis leur publication en 2020.

Europe

L’électricien finlandais Fennovoima a annoncé le 2 mai 2022 l’arrêt du projet de construction d’un réacteur VVER 1200 MW de conception russe sur le site d’Hanhikivi[xi]. La Finlande s’appuie sur le nucléaire pour produire de l’électricité décarbonée ; le projet sera-t-il repris par un autre constructeur ? Une situation similaire se produira-t-elle pour les autres constructions en cours en Europe (Hongrie, Slovaquie) ?

Par ailleurs, la Pologne a lancé un appel d’offre pour 6 réacteurs, visant à remplacer les centrales à charbon polonaises. Le Français EDF et le Coréen Kepco ont chacun remis une proposition ; l’Américain Westinghouse fera de même d’ici septembre 2022.

Asie et ex-URSS

Les constructions russes à l’export seront vraisemblablement impactées par le conflit en Ukraine. La Finlande vient d’annoncer l’arrêt d’un projet avec le constructeur russe Rosatom (cf ci-dessus) ; qu’en sera-t-il pour les autres constructions dans le monde (Egypte, Turquie) ?

En avril 2022, un sondage au Japon a montré que l’opinion publique était majoritairement favorable au nucléaire, d’une courte tête à 53%. Cette évolution par rapport aux années précédentes s’explique par la crise énergétique mondiale et le renchérissement des combustibles fossiles, importés par le Japon. Par ailleurs, le gouvernement a annoncé de nouveaux redémarrage de réacteurs, encore arrêtés à la suite de l’accident de Fukushima, pour tenir les objectifs climatiques de réduction de l’empreinte carbone et réduire la dépendance du pays aux importations.

En Corée, les élections de mars 2022 ont vu le président démocrate Moon Jae In remplacé par Yoon Suk Yeol, conservateur et pronucléaire. Comment cela va-t-il impacter la politique nucléaire en Corée ?

Lors de son Conseil national du 20 avril, la Chine a approuvé la construction de 6 nouveaux réacteurs[xii]

Amériques

Aux États-Unis, Joe Biden a lancé le 20 avril 2022 un plan de 6 milliards de dollars pour soutenir les exploitants de centrales nucléaires, soumis à la concurrence du gaz et du gaz de schiste[xiii]. Il a par ailleurs validé le plan Infrastructure Investment and Jobs Act, comprenant 2,5 milliards supplémentaires d’investissement dans le développement des SMR[xiv].

Afrique et Océanie

En Egypte, le site d’El dabaa avait reçu en 2019 une autorisation de construction pour 4 réacteurs russes, sans que la construction ait encore démarré. Ce projet sera-t-il impacté par la guerre en Ukraine (cf ci-dessus) ?

Moyen-Orient et Sud est asiatique

En Turquie 3 réacteurs sont en construction à la centrale d’Akkuyu, pour une première mise en service prévue en 2023. La construction de la quatrième et dernière tranche devrait commencer en 2022.

Aux Émirats arabes unis, 2 des 4 réacteurs coréens en construction ont été mis en service, en août 2020 et en septembre 2021.

 

[i] https://www.world-nuclear.org/information-library/country-profiles/others/nuclear-power-in-taiwan.aspx

[ii] Rapport de la commission nationale du débat public du 25 avril 2022 sur la Concertation nationale sur le système énergétique de demain (https://www.debatpublic.fr/concertation-nationale-sur-lenergie-publication-du-rapport-de-la-mission-de-conseil-de-la-cndp-3070)

[iii] http://www.world-nuclear.org/information-library/country-profiles/countries-t-z/united-kingdom.aspx

[iv] https://www.world-nuclear.org/information-library/country-profiles/countries-o-s/russia-nuclear-power.aspx

[v] https://fr.wikipedia.org/wiki/Programme_nucléaire_de_la_Chine;

[vi] https://www.world-nuclear.org/information-library/country-profiles/countries-a-f/china-nuclear-power.aspx

[vii] https://world-nuclear-news.org/Articles/Site-approval-for-Egyptian-nuclear-power-plant

[viii] https://www.usinenouvelle.com/article/les-cles-de-l-export-pour-la-filiere-nucleaire-francaise.N290853

[ix] Rapport Folz sur La Construction de l’EPR de Flamanville, d’octobre 2019

[x] Rapport Roussely sur L’Avenir de la filière française du nucléaire civil, de juin 2010

[xi] Fennovoima has terminated the contract for the delivery of the Hanhikivi 1 nuclear power plant with Rosatom | Hanhikivi 1

[xii] China approves construction of six new reactors : New Nuclear – World Nuclear News (world-nuclear-news.org)

[xiii] Etats-Unis: Lancement d’un programme de crédit de 6 milliards de dollars pour le nucléaire | Reuters

[xiv] États-Unis : nucléaire, transition énergétique et politique sociale – Sfen

 


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